Mon nom est Drüz et je suis un nain. Comme tous les nains j'ai grandit dans une mine bercé par le bruit des pioches et les chants des mineurs.
La mine d'où je viens, K'zakra, se trouve dans la partie Nord de la ceinture, à moins de 100 km du Mont d'Argent. Notre colonie est installée là depuis des générations mais elle n'a jamais dépassé la centaine de nains, comme la plupart des petites colonies isolées au sein de la ceinture. Contrairement à nos lointains cousins des Montagnes Rouges ou des Gardiens, nous vivons en petit groupe, exploitant des gisements très précieux mais dont l'exploitation est difficile et les filons trop ténus pour qu'une importante communauté puisse en vivre.
Dans notre mine nous n'exploitons ni or ni argent mais un métal précieux que l'on nomme Thulium. L’intérêt principal de ce métal, outre sa grande résistance, est qu'il est particulièrement propice aux enchantements. Ainsi on peut en faire des objets solides qui seront facilement imprégnés de magie pour créer de puissants objets arcaniques. Armes, armures, ornements, pièces de renforts pour des bâtons de mage, pendant plus de 200 ans nous avons créé toute sorte de choses. Si ces créations n'étaient pas les plus chères et les plus puissantes du Ténélion, leur valeur était toutefois largement reconnue et elle tenait tant de la qualité des enchantements pratiqués que des pièces en elles même.
Malheureusement cet age d'or devait prendre fin un jour et ce terrible jour arriva il y a une vingtaine d'année, alors que je n'étais moi même qu'un enfant. Un terrible accident nous a privé des mages qui pratiquaient les enchantements et leur savoir s'est perdu. Depuis notre communauté continue à produire des objets en thulium de grande qualité et qui peuvent être enchantés par les acheteurs mais plus aucun ne sort de nos mines déjà chargé de magie et les prix s'en sont ressentit. Bien que ce changement puisse paraître mineur, il a eu un impact profond sur notre vie à tous.
Le goût de l'aventure, l'envie de découvrir le monde m'ont toujours habités, depuis ma plus tendre enfance mais les changements survenus suite à ces événements ont transformé cette envie de voyage en un élan irrépressible. Pour les nains les plus traditionalistes, les nains du fond pour qui le monde de la surface n'est qu'un mauvais rêve, une telle impulsion est une hérésie. Mon désir n'était pas entendu, pas compris et rapidement j'ai été considéré comme marginal au sein de la communauté.
Mon unique ami durant toute mon enfance était le seul habitant de la mine a être encore plus isolé. C'était un jeune demi elfe, un orphelin recueillit par notre communauté presque à contre cœur, sur l'avis d'une poignée de nains qui avaient bravé l’opinion générale et choisit d'écouter leur cœur et de lui offrir une nouvelle chance dans la vie plutôt que de l'abandonner à son sort. Personne ne lui connaissait de nom à son arrivée chez nous et il savait à peine parler alors on lui a donné un nom. Thulium, comme le métal qui faisait notre richesse.
A partir de ce jour nous ne nous sommes quasiment plus quittés pendant plusieurs années, nous avons grandi ensemble, fait les 400 coups dans la mine et alentour et fait enrager nos familles. Je me moquais bien qu'à 10 ans il soit trop grand pour tenir tout à fait debout dans certaines galeries et il parlait avec enthousiasme de m’accompagner dans mes voyages futurs là où tout le monde m'interdisait même d'y songer.
Et puis il a bien fallut grandir. Le temps nous a rattrapé et comme la carrière de mineur et la perspective et passer mon temps à creuser toujours plus profond dans des galeries ne me disaient rien, je me suis lancé avec ferveur vers ce que je considérais comme mon ticket pour la liberté. J'ai embrassé à bras le corps la carrière de Prêtre.
En effet aussi isolée qu'elle puisse être toute communauté civilisée a toujours besoin de prêtres. Ne serait ce que pour les baptêmes, mariages ou enterrements par exemple. C'est ainsi que j'ai rejoint le petit séminaire que nos ancêtres avaient fondé, à flanc de montagne, isolé de la mine de plusieurs dizaines de kilomètres afin de permettre à la poignée de prêtres qui y vivaient presque en permanence et à ceux qui suivaient leur enseignement de s'isoler des préoccupations terre à terre des mineurs et de se rapprocher des Dieux.
J'ai choisi d'être initié à la philosophie de Firnhan, le dieu de l’intellect. Ce dieu n'était toutefois pas la divinité principale de notre communauté. Les nôtres vénéraient par dessus tout Ul'Khan, dieu de la réalité, le faiseur de montagnes qui peut créer des richesses d'un simple touché. Et cette croyance s'était de plus en plus renforcée depuis la mort des enchanteurs, comme si la perte d'une partie de notre patrimoine nous avait poussé à prier pour trouver toujours plus de métal précieux afin de compenser ce manque. Firnhan, qui avait toujours été le second dieu préféré au sein de notre groupe avait donc de moins en moins le vent en poupe et ce choix, bien qu'il correspondait à mon caractère et mon état d'esprit m'a une fois de plus valut quelques grincements de dents.
Mais ma formation a quand même débuté alors que j'avais 23 ans, (age très jeune chez les nains, correspondant à 9 ou 10 ans pour un humain). Dans l'ensemble elle s'est bien déroulée et je ne vois pas grand chose à en dire. Toutefois elle eu pour effet de m'éloigner des miens et le principal événement qui en a marqué la progression eu lieu 2 ans après son début.
En effet, un jour en rentrant à la mine après 2 mois passés au séminaire, j'ai appris une terrible nouvelle. Un accident avait eu lieu quelques jours plus tôt et avait frappé des membres de ma famille et des proches faisant un mort et un blessé grave.
Mais le pire restait à venir. Car, tous les nains purent en attester, Thulium, mon ami de toujours était responsable de ce désastre. Pire, il l'avait volontairement provoqué. Je n’eus jamais l'occasion d'entendre sa version des faits à ce sujet car il avait préféré prendre la fuite plutôt que de répondre de ses actes. Impossible de savoir si, comme me le disait mon cœur de jeune nain, mon ami n'avait pas pu provoquer tout ça ou si, comme me l'assuraient tous les mineurs du plus modeste au plus respecté, il avait changé en grandissant et la rancœur vis à vis de sa condition avait guidé sa main vers ce terrible geste.
Ce tragique évenement finit de sceller cette résolution en mon cœur : une fois ma formation terminée, je partirai. Plus rien ne me retenait à K'zakra. C'est ainsi que j'ai passé les années suivantes à étudier sans cesse afin de progresser sur la voie de la prêtrise. Une fois cette formation terminée, j'ai rassemblé le peu de choses que je voulais prendre avec moi et j'ai quitté la mine et la montagne qui m'avaient vu grandir.
J'ai tourné mes pas vers Devos, la ville humaine avec la quelle nous commercions et à partir de là, le monde s'offrait à moi.