Le journal du Fourchelangue

Rencontre

Le Fourchelangue pénétra dans l'auberge, et comme à l'accoutumée, plusieurs saoulards ainsi que le maître des lieux lui jetèrent un regard mauvais. L'annonce indiquait “la grande table en chêne proche de la cheminée” et le moine repéra rapidement la table, déjà occupée par trois personnes. Il se dirigea vers elle, non-sans remarquer les coups d'œil désapprobateurs de ceux qui le remarquèrent, c'est à dire à peu près tout le monde. Depuis qu'il était entré au monastère, il avait pris l'habitude de vivre le crâne rasé, et cela faisait ressortir ses écailles. Ce n'était pas toujours aussi vrai, mais l'hiver s'était terminé il y a peu, et malgré son temps passé sur les routes, le soleil encore timide n'avait pas réussi à tanner suffisamment sa peau pour atténuer son contraste avec ses écailles. Il se réjouit de cet intérêt : “Qu'ils me regardent et me jugent sur mon sang, dans quelques temps ils se bousculeront pour m'acclamer !”.

Trois personnes donc. Un nain, petit et râblé, dont la fonction était trahie par les nombreux détails de ses vêtements se référant tous à Firhnan : un prêtre. Il était assis à proximité d'un demi-elfe. [Description physique], il possédait un grand arc -quoi que de piètre qualité- et faisait tournoyer une de ses flèches entre les doigts. Les deux écoutaient, assis en face, un halfelin en tunique légère qui, Le Fourchelangue devait bien l'admettre, respirait la sympathie. Sans un mot, il s'assit à la table ce qui jeta immédiatement un froid sur la conversation en cours et laissa place à un silence gênant de quelques secondes. L'halfelin allait ouvrir la bouche lorsqu'une cinquième personne s'assit brusquement à la table. Grand et en armure, l'Humain nouveau venu lui jeta un regard où l'on pouvait clairement lire l'incompréhension de la présence d'un Fourchelangue parmi eux.

-“Aubergiste ! Une grande bière pour chacun d'entre nous, et vite !” cria l'halfelin, reportant ainsi l'attention sur lui-même. “Je suis Tincel l'ensorceleur !”

-“Et moi Drùz ! Humble serviteur de Firhnan” reprit le nain à la cantonade, avec un grand sourire. “Et voici mon vieil ami Thulium” dit-il en désignant le demi-elfe d'un geste de la tête. Ce dernier hocha légèrement de la tête en guise de confirmation et de salut.

-“Je m'appelle Crysto. Et si nous sommes amenés à travailler ensembles, vous pourrez compter sur mon épée et mon bouclier pour tailler à travers les lignes de vos ennemis !”

Immédiatement après l'aubergiste arriva et distribua les chopes. Lorsqu'il eut finit sa tâche, tous regardaient plus ou moins le Fourchelangue.

-“Je sssuis Le Foursselangue.” Il laissât les mines interrogatrices apparaître sur les visages. “Puissque sc'est comme sça que tout le monde m'appelle. Et je compte bien redorer la connotation qu'a sce terme parmi vous…”

Le marchand

-“Holà holà aventuriers ! Vous êtes cinq ! C'est parfait !” fit une silhouette élancée, s'annonçant comme Aldritch Cœur de Chêne, le marchand ayant passé l'annonce. Il parcouru les cinq aventuriers des yeux et s'arrêta sur le fourchelangue. “Enfin presque parfait… Peu importe ! Vous savez pourquoi je vous ai conviés ! Une mystérieuse maladie décime nos villages forestiers et c'est une véritable catastrophe pour notre industrie du bois ! Aussi, à vous ainsi qu'aux autres groupes d'aventuriers partis avant et qui ne sont pas revenus, je vous propose la coquette somme de 250 po par information qui pourrait nous aider à découvrir la cause du mal. Et je vous offre une prime de 10 000 pièces d'or, rien que ça, si vous arrivez à faire en sorte que nos bûcherons puissent retourner couper du bois et ainsi que notre économie reparte.”

Il parcouru une fois de plus les visages, afin de vérifier qu'il s'était bien fait comprendre.

“Je suis un homme occupé et je n'ai malheureusement pas beaucoup d'informations que vous ne pourriez récupérer en chemin, aussi si le marché est conclu, je suggère que vous vous mettiez rapidement en route pour Lhessen, à trois jours de marche au sud-ouest.”

Sans laisser aux autres le temps de vraiment répondre, il lança deux pièces d'or sur la table ce qui, ils le savaient leur permettrait amplement de passer la soirée et la nuit ici à l'œil. Il sourit d'un air satisfait, fit volteface, et s'en alla d'un pas pressé.

En route vers l'aventure

Le Fourchelangue dormit mal cette nuit-là. Enfin, après toutes ces années passées à s'entrainer et à subir les insultes des grandes races, il se lançait dans une aventure et allait avoir l'opportunité de montrer à tous qu'ils se trompaient sur son compte. L'excitation était trop grande. Il se leva aux premières lueurs du soleil et sortit. Repérant deux grosses pierres sur le chemin qui bordait l'auberge du Bois Bourré, il les ramassa et les noua à chacune des extrémités de son bâton puis commença ses exercices. Quelques minutes plus tard, il aperçut le prêtre puis le mage en train de méditer sur leurs sorts. Il n'avait jamais apprécié la magie, et se posait sérieusement la question de savoir si son utilité en combat était réelle. Lorsque tout le monde fût prêt à partir, les coqs avaient chanté depuis longtemps mais le soleil n'était pas très haut dans le ciel. Ils louèrent des chevaux à l'écurie proche, qu'il paya dans son ensemble. Mieux valait que ses acolytes se rendent compte qu'il ne faisait pas partit de la catégorie des fourchelangues traîne-patins qui vagabondaient dans les rues et consacraient la majeure partie de leur temps à fouiller les poubelles.

La route jusqu'à Lhessen fût monotone, même si remarquable par le nombre de réfugiés qu'ils croisèrent tant que par leur état fatigué et sans vigueur. Ils arrêtèrent quelques personnes mais n'apprirent pas grand-chose. Les gens tombaient malades, s'affaiblissaient de jour en jour puis mourraient, sans que personne n'ait d'explication ni de solution à ce mal. Quelque part, c'était une bonne chose - si Le Fourchelangue et ses acolytes parvenaient à vaincre ce mal, une quantité importante d'habitant de la région seraient forcés d'admettre qu'un de leur sauveur faisait partit de l'espèce bâtarde qu'ils considéraient comme impure et inapte. Ils s'apprêtaient à camper pour la nuit lorsqu'ils furent interpelés par un humain dont l'aspect contrastait avec celui des réfugiés. Alors que la plupart étaient faibles et en habits modestes, lui était richement vêtu et ne semblait point malade. Il se présenta comme Elderlys, un marchand de bois de cerfs appelé “cornébène” et leur proposa la récompense impressionnante de 2500 pièces d'or s'ils arrivaient à en ramener de leur expédition à Lhessen.

Prenant note de cette proposition alléchante, et après avoir brièvement discuté la possibilité d'abandonner la quête d'Aldritch au profit de celle d'Elderlys ils se couchèrent rapidement non sans avoir décidé de tours de garde.

Le Fourchelangue s'était proposé pour le premier tour. Il n'avait pas franchement sommeil, et voulait réfléchir avant de dormir sur ses compagnons d'aventures. Crysto, le guerrier, semblait le plus capable mais aussi celui qui avait le plus de mal à accepter la présence d'un “être impur” dans le groupe. Ce fait ne semblait pas déranger ni Thulium le guide ni le Prêtre nain Drùz ; mais s'il n'attirait pas leur dédain, leur sympathie était encore loin de portée. Il suspectait que l'entrainement du matin où il avait soulevé une masse impressionnante les avait simplement convaincus de l'utilité qu'il pourrait avoir dans l'éventualité où il faudrait se battre. Et ils ne seraient pas déçus, ça non.

Ils arrivèrent à Lhessen le lendemain en début d'après-midi, et passèrent celle-ci à tenter de glaner des informations. Malgré plusieurs interrogatoires et une discussion avec le maire du patelin, ils apprirent seulement que des bûcherons et des promeneurs disparaissaient régulièrement dans la forêt, fait qui était parfaitement inhabituel pour la région. Ils durent donc se résoudre à l'évidence : le mal venait probablement de la forêt elle-même et ils devraient s'y rendre s'ils escomptaient arriver à quelque résultat. Ils prirent une chambre pour la nuit à l'auberge du village et la résolution d'en apprendre plus sur place le lendemain.

[NdA - Pour des raisons de temps et de motivation, le récit romancé s'achève ici pour laisser place à un récit plus concis et proche d'un simple journal relatant les évènements]

Un cerf

Au petit matin et après leur rituel matinal respectif (qui consistait, pour le guerrier, à dormir le plus longtemps possible), ils prirent à pied la route de la forêt. Comme ils s'y attendaient, leur rencontre avec les bûcherons fût loin d'être fructueuse. Ils apprirent néanmoins qu'un homme étrange était passé par là la veille, et après quelques temps, Thulium repéra ses traces. Ils s'enfoncèrent dans la forêt en le pistant. Rapidement, la forêt l'oppressa. Essayant de rejeter le fruit de son imagination, Le Fourchelangue feignit l'indifférence. Une nausée l'envahissait au fur et à mesure qu'ils s'enfonçaient dans la forêt. Ils marchaient depuis environ une heure lorsqu'il se rendit compte que ses compagnons ne semblaient pas non plus dans leur état normal. Alors qu'il aidait Thulium à pister l'homme mystérieux en réfléchissant à cette possible malédiction, ils débouchèrent brusquement dans une clairière, face à un grand cerf aux cornes noires. Avant qu’ils n’aient pu dégainer leurs armes, la bête s'enfuit dans les bois.

Sans réfléchir, il se jeta à sa poursuite, mais s'aperçu au bout d'une centaine de mètres que sa vitesse était bien moindre que celle du cerf. Les autres le rejoignirent rapidement, le petit ensorceleur en trainant la patte et en râlant. Après une brève discussion, et devant l'alléchante récompense qu'on leur avait promis, ils se mirent d'accord pour tenter de pister le cerf. Le rôdeur semblait bien plus doué pour pister un humain qu'un animal, car à plusieurs reprises au cours de leur traque il se trompa lourdement dans l'interprétation des traces. Avançant sans bruit tous les deux, les autres à quelques distances, ils finirent par tomber sur la bête. Un shuriken et une flèche furent quasi-instantanément tirés, le premier faisant mouche mais provoquant la fuite de l'animal. Juste après, ils entendirent l'ensorceleur crier un mot étrange et un projectile de magie pure fila à toute allure vers l'animal. Etant donné les traces de sang qu'ils repérèrent quelques mètres plus loin, l'animal était sérieusement blessé. Ils le rattrapèrent et l'achevèrent à quelques centaines de mètres de là. Se félicitant d'avoir réussi leur chasse lucrative, Le Fourchelangue entreprit de découper les bois du cerf, et il put se rendre compte de leur masse et de leur envergure. Promener une telle chose à travers la forêt ne serait pas une mince affaire.

-“Nous devrions enterrer sces bois, et les récupérer à notre retour.” dit-il.

-“Le jour va bientôt se coucher” répliqua le prêtre, “Nous ferions mieux d'emporter ces bois dès ce soir au village et de passer une nuit supplémentaire au chaud tant que nous en avons l'occasion.”

Le Rôdeur

Leur retour à la civilisation fût plus long que prévu. Ne trouvant pas d'acheteur intéressant pour leurs bois à Lhessen, ils repartirent vers Riv et durent attendre là-bas un jour pour retrouver leur marchand de Cornébène, et encaisser leurs 2500 pièces d'or. Ils reprirent sans attendre leur route vers la forêt, motivés par leur récent succès. Ils n'eurent aucun mal à retrouver leurs traces premières, et ainsi celle de l'humain qu'ils traquaient. C'est ainsi qu'ils se retrouvèrent à nouveau devant le bosquet auprès duquel ils avaient surpris le cerf la première fois. Ils s’enfoncèrent dans celui-ci en suivant les traces de l'homme.

Un bruit étrange, une sorte de râle, atteint leurs oreilles. Ils se préparèrent au combat et aperçurent trois zombis qui erraient dans leur direction générale. Sans réfléchir, l'apprenti moine les chargea. Il fût rapidement rejoint par Crysto le Guerrier, puis par Drùz le prêtre. Aidé du support des deux autres membres du groupe, ils vinrent rapidement à bout des morts-vivants. Une vilaine griffure malsaine taillait le bras de Fourchelangue, mais Drùz referma la blessure d'un simple mot.

Ils reprirent leur traque, et quelques heures plus tard surprirent des bruits de combat. Se rapprochant rapidement, ils découvrirent une bande de gloutons en train de s'en prendre à un homme lourdement armé. Après un combat bref mais sanglant, ils achevèrent les bêtes.

L'humain, un Rôdeur plus expérimentés qu'ils ne l'étaient, était de toute évidence l’homme qu'ils avaient traqué. Syrvian, victime d'une sombre malédiction, était en quête des légendaires Dryades de la forêt qui, il le pensait, pouvaient l'aider. Après une brève discussion, ils conclurent que leurs objectifs étaient compatibles et que trouver les dryades leur serait à tous profitable. Syrvian leur expliqua qu'ils les pistaient grâce à des arbres bien particuliers, qui constituaient par les motifs difficiles à reconnaitre que formait leur écorce, un jeu de piste permettant de les trouver. Après un peu de marche, il leur montra un tel arbre, dont tout le monde ne saisit pas exactement la différence avec un arbre ordinaire.

Qu'à cela ne tiennent, le jour tombant, ils établirent un campement et des tours de garde pour leur première nuit dans la forêt.

Fleurs

La matinée était déjà bien avancée lorsqu'ils débouchèrent sur l'immense clairière. Couverte de fleurs hautes et splendides, tel un champ de tournesols multicolores, elle offrait un spectacle magnifique.

-“Je connais ces fleurs. Ce sont des Lys du fou, elles possèdent un pollen euphorisant très dangereux.”

Comme pour confirmer ces dires, Le Fourchelangue repéra un squelette humanoïde à quelques mètres à peine du bord du champ. L'ensorceleur fit une incantation et déclara qu'il y avait au moins un objet magique au niveau du corps. Négligeant toute forme de prudence, Crysto s'avança dans le champ et alla fouiller le cadavre. Il revint une dague d'excellente facture à la main.

-“Arme inutile” fit-il, en la lançant au sang-impur. Ce dernier examina l'arme magique avec soin, avant de la placer à la place de sa dague initiale et de ranger cette dernière dans son sac. Elle trouverait très probablement une utilité le temps venu, et dans tous les cas elle valait surement largement son pesant d'or voir de platine.

-“Il nous faut traverser ce champ de Lys, la piste indique l'autre côté.” fit Syrvian, avant de se lancer d'un pas décidé à travers le champ.

-“Et bien, allons-y alors !” Répondit le guerrier avant de lui emboiter le pas.

Les quatre autres compères échangeaient un regard avec le cadavre resté là, et prirent la décision de faire le tour. Le Fourchelangue n'était pas parvenu jusque-là pour mourir bêtement dans un champ de fleurs.

Ils se retrouvèrent quelques heures plus tard. Visiblement, Crysto avait très mal vécu la traversée et avait failli périr sous le charme magique des fleurs, et seul la présence d'esprit et la détermination de Syrvian lui avait valu la vie sauve. Encouragés par la vue d'un autre arbre à dryade, ils reprirent leur route dans les entrailles de la Forêt.

La Dryade

Le jour commençait à tomber, et ils devraient faire une halte pour la nuit sous peu. Soudain, ils se firent immobiles en entendant un bruit de course dans la forêt se rapprochant à toute vitesse de leur position. Ils dégainèrent leurs armes sans bruit et attendirent. Le bruit se fit de plus en plus distinct, et, soudain, un Cerf de Cornébène traversa leur maigre sentier à toute allure. Un instant plus tard, alors qu'ils se remettaient de leur surprise innofensive, un loup d'une taille incroyable passa à son tour, visiblement à la poursuite du cerf. Prêt cette fois à parer à tout animal supplémentaire qui pourraient traverser, ils restèrent silencieusement en attente quelques secondes supplémentaires, puis reprirent leur route.

Ils atteignirent quelques minutes plus tard un autre arbre à Dryade, et discutaient de monter leur camp ici ou de continuer encore leur route, lorsqu'une Dryade sortit de l'arbre. Emerveillés par la splendide créature magique, ils mirent quelques instants à répondre à son salut et à leur expliquer leur quête.

La réponse de la Dryade fût la suivante : Ils n'étaient pas les premiers en quête d'une solution pour cette malédiction, mais s'ils désiraient obtenir les conseils et les grâces des Dryades, ou même continuer plus en avant leur expédition dans la forêt, ils devaient auparavant débarrasser celle-ci d'un fléau. Un loup aux dimensions démesurées, qui ravageait la faune et la flore environnante …